Retraite à 64 ans : les classes moyennes et les femmes vont payer !

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Pour faire passer la pilule du report de l’âge de la retraite à 64 ans, la Première ministre avance des arguments de justice et de progrès. Les syndicats lui donnent rendez-vous dans la rue.

La Première ministre l’a répété comme un mantra mardi lors de la présentation de son projet de réforme des retraites : c’est « une réforme de justice, d’équilibre et de progrès ». Entourée des ministres de l’Economie, du Travail et de la Fonction publique, Elisabeth Borne s’est lancée dans un vaste exercice de pédagogie pour tenter de convaincre les Françaises et les Français du bien-fondé d’une réforme qu’elle sait impopulaire et qui les touchera tous, qu’ils soient salariés, indépendants ou fonctionnaires.

L’occasion pour la Première ministre de mettre fin à un suspense qui n’en était plus vraiment un : ce sera finalement 64 ans. Elle avait préparé les esprits, rappelant la semaine dernière sur France info que le report de l’âge légal à la retraite à 65 ans, pourtant souhaité par Emmanuel Macron, n’était « pas un totem ». Après tractations, l’exécutif a trouvé un terrain d’entente avec Les Républicains d’Eric Ciotti qui, dans Le JDD, s’est dit prêt « à voter une réforme juste ».

Si le calendrier du gouvernement se déroule comme prévu, un projet de loi de finances de la Sécurité sociale rectificative sera présenté le 23 janvier en conseil des ministres, puis examiné au Parlement en février et mars avant d’entrer en vigueur dès le 1er septembre.

Brutalité du calendrier

La potion a beau sembler moins amère, elle reste indigeste. Afin de produire leurs effets, les précédentes réformes des retraites ont toutes « pris le temps » de s’étaler sur plusieurs années, évitant ainsi de rompre trop brutalement le contrat social en cours. La réforme Macron 2 frappe vite et fort. Et c’est inédit.

Ainsi, dès septembre prochain et jusqu’en 2030, l’âge légal de départ va augmenter de trois mois supplémentaires chaque année. Ceux nés après le 1er septembre 1961 ouvriront donc la marche : eux, qui fêteront leurs 62 ans à la fin de l’été et pensaient pouvoir organiser leur pot de départ dans la foulée, devront donc attendre de vieillir de trois mois de plus avant de prendre leur retraite. En 2024, il faudra être âgé de 62 ans et 6 mois pour avoir le droit de partir, en 2025 de 62 ans et 9 mois… et ainsi de suite jusqu’en 2030, date à laquelle il faudra avoir 64 ans. La génération 1968, qui aura 62 ans en 2030, sera alors la première à être contrainte d’attendre deux années de plus avant de liquider ses droits et donc pourra partir au plus tôt en 2032.

Le gouvernement accélère également la réforme Touraine de 2014, qui portait progressivement à 43 annuités la durée de cotisation pour la génération née à partir de 1973. Il faudra désormais avoir atteint ces 172 trimestres dès la génération 1965. Les sénateurs LR n’en demandaient pas tant : dans leur amendement au Sénat ils visaient la génération 1967.

Techniquement, le gouvernement ne va pas au-delà des 43 annuités, a réaffirmé la Première ministre. Sauf que dans les faits, il faut impérativement réunir deux conditions pour toucher une retraite sans décote : l’âge légal et le bon nombre de trimestres. Tous les salariés qui auront atteint leurs 43 annuités à 62 ans devront donc travailler plus que les autres.

Cela n’affectera pas les diplômés et la plupart des cadres, qui ont commencé leur vie active plus tardivement et n’auront aucun effort supplémentaire à fournir. Les systèmes de retraite peuvent être une montagne de complexité, mais cette équation-là est très simple et chacun a pu en éprouver la réalité sans calculette : il suffit d’entrer son âge sur le marché du travail et d’ajouter 43 annuités pour obtenir l’âge de la retraite à taux plein. Un salarié qui a commencé à travailler à 23 ans parce qu’il aura fait des études longues devra de toute façon, avec les règles actuelles, attendre 66 ans pour ouvrir ses droits sans subir de décote.

En revanche, un salarié entré sur le marché du travail à 19 ans serait aujourd’hui en mesure de faire valoir ses 43 annuités à 62 ans. Avec un report de l’âge à 64 ans, il devra donc travailler 45 annuités.

Il en va de même pour les mères qui, grâce aux huit trimestres de majoration accordés pour chaque enfant, pouvaient espérer quitter leur emploi plus tôt. En 2021, un tiers des nouvelles retraitées ont pu prendre leur retraite à 62 ans grâce à ce dispositif. Demain, les femmes, avec les ouvriers, les employés, les travailleurs de seconde ligne…, dont elles font souvent partie, seront la deuxième grande catégorie de salariés à subir de plein fouet ce changement de régime.

Le projet du gouvernement améliore le sort d’une partie des salariés qui ont commencé tôt, mais ne modifie en rien celui des plus diplômés et fait reposer l’essentiel des efforts sur le « milieu », la classe moyenne, le gros bataillon d’aides-soignantes, de techniciens ou d’employés du tertiaire.

Le paravent des carrières longues

Elisabeth Borne a reconnu que cette réforme ne serait pas « neutre ». Mais elle a préféré insister sur l’amélioration des dispositifs de carrières longues, voire « super » longues.

Actuellement, les travailleurs qui ont commencé tôt peuvent partir deux, voire quatre ans avant l’âge légal, à savoir 58 ou 60 ans. Ils sont 150 000 chaque année, soit un nouveau retraité sur cinq, à pouvoir utiliser cette porte de sortie.

Le futur dispositif prévoit trois cas de figure : les travailleurs qui ont accumulé quatre ou cinq trimestres avant 16 ans pourront toujours partir à 58 ans, ceux qui les auront validés entre 16 et 18 ans pourront partir à 60 ans, et enfin ceux qui les auront entre 18 et 20 ans pourront partir à 62 ans. Le dispositif intégrera également des trimestres validés (quatre au maximum) au titre des congés parentaux, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Le gouvernement assure également qu’un salarié en carrière longue ne pourra pas travailler au-delà de 44 annuités. Encore faudra-t-il remplir toutes les conditions. Car il ne suffit pas d’avoir commencé jeune, il faut également faire valoir une durée minimale d’assurance cotisée.

Le gouvernement fait, certes, entrer potentiellement davantage de personnes dans le dispositif pour un coût de 600 millions d’euros en 2030, mais le système devrait malgré tout progressivement s’éteindre, les salariés entrant de plus en plus tard sur le marché du travail. Selon les projections du Conseil d’orientation des retraites (COR), et en fonction des règles actuelles, un quart des salariés du régime général peuvent encore partir à 60 ans, mais ceux qui sont nés en 1970 ne seront plus que 10 % à pouvoir le faire et 5 % pour la génération 1975.

En revanche, contrairement à la réforme de 2010 qui avait décalé de deux ans le départ des personnes en situation d’invalidité ou d’inaptitude, cette fois-ci rien ne change pour ces travailleurs qui pourront toujours ouvrir leurs droits à partir de 55 ans et ne pas dépasser 62 ans, pour un coût de 3,1 milliards d’euros en 2030.

Le projet s’avère toutefois plus flou en ce qui concerne les mesures de pénibilité. Les seuils d’exposition aux risques qui permettent d’engranger des points dans le cadre du compte professionnel de prévention (C2P) seront abaissés, et un droit à la reconversion sera créé, tout comme un fonds de 1 milliard d’euros sur le quinquennat pour la prévention de la pénibilité. Un suivi médical « renforcé » sera mis en place pour salariés exposés à des risques ergonomiques.

Pour autant, trois des quatre critères (port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques) supprimés par Emmanuel Macron en 2017 ne seront pas réintroduits dans la loi. Quant au quatrième critère supprimé – l’exposition aux risques chimiques qui provoquent des maladies à long terme – il passe complètement sous les radars.

L’arme de la pension à 1 200 euros

Au total, avec tous ces dispositifs d’accompagnement, Élisabeth Borne espère que dans quelques années un salarié sur quatre pourra partir de manière anticipée, avant 64 ans. En marge de toutes les autres mesures censées doper le taux d’emploi des seniors – création d’un index senior dans les entreprises de plus de 300 salariés, assouplissement des retraites progressives et du cumul emploi-retraite qui seront également ouverts aux fonctionnaires – , c’est aussi avec l’amélioration du minimum contributif que le gouvernement espère marquer des points.

Déjà votée dans la loi de 2003, la retraite minimale à 85 % du Smic net devrait enfin être mise en application pour que les nouveaux retraités qui auront eu une carrière complète (120 trimestres cotisés au moins et toutes leurs annuités) touchent une pension de 1 200 euros brut (soumise à impôts et cotisations sociales), régime de base et partie complémentaire (Agirc-Arrco) comprise. Cette revalorisation coûtera 700 millions d’euros aux finances publiques en 2030.

Le gouvernement fait en outre un geste fort à l’attention des Républicains en intégrant leur souhait d’étendre cette mesure à tous les retraités actuels. Le coût de la mesure est estimé à 1 milliard d’euros par l’exécutif et sera assuré par la « solidarité interbranches », un point renvoyé au débat parlementaire.

Le reste du « package » est-il bien ficelé ? Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, qui a assuré que « pas un euro issu des cotisations des retraites n’ira ailleurs que dans le système des retraites », s’est livré à un calcul simple : le report de l’âge légal à 64 ans générera 17,7 milliards d’euros d’économies en 2030. Il résorbera un déficit estimé à 13,5 milliards. Il restera donc un excédent de 4,2 milliards qui serviront à financer les 4,8 milliards d’euros de mesures d’accompagnement (pénibilité, carrières longues, revalorisation pour les nouveaux retraités).

Le gouvernement entend également augmenter de 0,1 point le taux des cotisations vieillesse afin de collecter 800 millions d’euros, permettant ainsi d’afficher en définitive un solde budgétaire excédentaire de 300 millions d’euros. En compensation, la Première ministre a précisé que les cotisations de la branche accidents du travail-maladie professionnelles (AT-MP), dont le solde est excédentaire, seront en parallèle diminuées pour ne pas augmenter le coût du travail.

Refus des alternatives

Le jeu financier en vaut-il la chandelle ? Fallait-il sortir l’arme nucléaire et pénaliser une grande partie des travailleurs pour une trajectoire de dépenses de retraite que nombre d’économistes de tous bords et le COR lui-même ne jugent pas incontrôlée, encore moins catastrophique ?

Toute la bataille de l’exécutif consiste désormais à rallier la population au credo selon lequel la réforme est financièrement indispensable, agitant le chiffon rouge des 150 milliards d’euros de dette dans les dix ans à venir « si on ne fait rien ». « Aucun déficit n’est négligeable. Il ne peut y avoir de solidarité à crédit », a martelé le ministre de l’Economie.

Il est évident que le système de retraite exige sans cesse des réajustements et d’être surveillé comme le lait sur le feu. La vie économique n’est pas un long fleuve tranquille et, on l’a vu, une crise comme celle du Covid peut venir perturber l’équilibre des comptes. La santé du régime dépend la de croissance de la productivité du travail et d’un taux de chômage plus ou moins élevé. Plus les salariés sont nombreux à travailler, mieux se porte le régime.

Il connaît par ailleurs un problème de recettes plus ancien, dont une part est due à de précédentes mesures d’économies générales. Ainsi, les politiques de maîtrise de la masse salariale dans les fonctions publiques hospitalières et territoriales, par exemple le gel du point d’indice, font entrer moins de cotisations dans les caisses et contribuent à une baisse des recettes en pourcentage du PIB. Autant de sujets qui méritent débats et solutions appropriées. Dès lors que près de 350 milliards d’euros sont versés en pensions de retraite, il est nécessaire d’en faire entrer au moins autant dans les caisses.

Tout au long des consultations que le gouvernement a pu faire, il a pourtant refusé toutes les alternatives au report de l’âge. Pas question d’augmenter de quelques euros les cotisations « au risque de faire perdre aux actifs 440 euros de revenu net moyen en 2030 », a calculé Bruno Le Maire. Pas question non plus de baisser les pensions, inacceptable pour le pouvoir d’achat des retraités.

Ouvrir des débats sur la taxation des retraités les plus riches, sur la mise en place d’un impôt spécifique, l’élargissement de l’assiette des cotisations à l’intéressement et la participation, l’abondement du fonds de réserves des retraites ou simplement sur l’objectif d’augmenter le taux d’emploi des seniors par des programmes de financement de formations des salariés, ou une amélioration des conditions de travail sans en passer par une mesure d’âge… toutes ces pistes ne sont visiblement pas recevables aux yeux de l’exécutif.

Intersyndicale vent debout

A la place, le gouvernement a choisi la confrontation et réussi le tour de force de réunir unanimement contre lui les syndicats de salariés. Cela faisait douze ans que cela n’était pas arrivé.

C’est d’ailleurs Laurent Berger, le patron de la CFDT, qui a lu mardi à la Bourse du Travail de Paris le premier appel à la manifestation de l’intersyndicale le jeudi 19 janvier. Tout un symbole !

Depuis des mois, les syndicats de salariés, bien placés pour connaître le fonctionnement des régimes de retraite et les conséquences sociales des réformes, n’ont cessé de répéter, d’une seule voix, qu’un report de l’âge était la mesure la plus injuste qui soit. Ils savent que leur seule option pour faire reculer le gouvernement est de réussir à mener un mouvement social d’ampleur.

Cela se jouera sans doute du côté des régimes spéciaux, dont le système va être supprimé au profit de la clause du grand-père (seuls les nouveaux embauchés seront concernés par la réforme). Les agents de la RATP et des industries électriques et gazières (IEG) en pleine crise de l’énergie, ne goûteront peut-être pas les mots malheureux du ministre du Travail sur « l’archaïsme » de ces régimes, ni ceux du ministre de l’Economie concédant qu’il s’agissait « moins d’un problème financier que d’équité ».

Les prévisions du climat social restent une science très incertaineMais le conflit pourrait gagner également les travailleurs de la seconde ligne, les personnels soignants… Et être allumé (ou pas) par une étincelle dont on ne sait jamais à l’avance d’où elle proviendra.

Source : https://www.alternatives-economiques.fr/retraite-a-64-ans-classes-moyennes-femmes-payer/00105768

 

La réforme injuste des retraites ne doit
pas passer, toutes et tous en grève et dans
les manifs, le 19 Janvier !



13/01/2023
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